Présence, communication et Internet

Dimanche 17 janvier 2021 — Dernier ajout mercredi 6 décembre 2023

Ne pas attendre plus d’Internet que ce qu’il peut donner.

Une réponse à la question : pourquoi est-ce qu’il m’arrive de ressentir des émotions si fortes à la lecture d’un mail ou d’un message sur les réseaux sociaux ?

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Internet est-il un moyen de communication ?

Quand j’ai découvert Internet, en 1995, très vite, on a parlé des NTIC : Nouvelles Techniques de l’Informatique et de la Communication.

« Communication ». Mais de quelle nature ?

C’est ce que je vais tenter de démêler dans cet article.

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Présence et virtuel

Avec le Covid-19, le télétravail s’est développé comme jamais, les réunions à distance se sont multipliées, que ce soit à titre professionnel, mais aussi individuel.

Parce que ces médias associent le son et l’image, ils peuvent laisser croire à une mise en présence de l’autre, à une rencontre.

Mais c’est une illusion, une méprise que je vais essayer d’expliquer en utilisant :

  • d’une part Aristote
  • d’autre part la scolastique
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Aristote et les sensibles propres et communs

Aristote distingue dans nos modes de connaissance du réel les sensibles propres et les sensibles communs.

Les sensibles propres passent par un de nos sens externes (nos cinq sens), et sont techniquement mesurables (transformation d’un son en modulation électrique par un micro, photographie, vidéo…).

Les sensibles communs, soit l’appréhension (fait de saisir par l’esprit) de tout ce qui, dans le sensible, ne relève pas en propre de l’un des sens externes. Par exemple, une conversation en présentiel, une lettre manuscrite.

Or, Aristote découvre que la présence, c’est-à-dire, ce en quoi je me révèle à l’autre dans ce que j’ai d’incommunicable, passe par les sensibles communs.

Conséquence, les médias « modernes » ne permettent de transmettre que des sensibles propres. Et donc ne permettent que de transmettre des informations, mais, en aucun cas, une présence.

Mais alors, pourquoi et comment les médias arrivent-ils à faire illusion ? C’est là que la scolastique va nous aider.

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Scolastique : ex opere operato et ex opere operantis

Dans le livre, Internet : le nouveau presbytère, le père Pierre Amar rappelle une notion de scolastique qu’il applique à Internet [1] :

  • ex opere operato : « de part l’action opérée ». L’action se produit quel que soit l’état de celui qui la fait ou qui la reçoit. Cette notion ne peut pas s’appliquer à Internet et aux médias.
  • ex opere operantis : « par le fait de l’agent ». L’action dépend de celui qui la fait ou qui en bénéficie. Cette notion en revanche s’applique à Internet at aux médias.

Appliqué à Internet (ou du téléphone, de la télévision, c’est pareil), cette distinction signifie que l’émotion que je peux ressentir devant une image dépend de moi, et non pas de l’émetteur. Ce à quoi j’ai accès n’est pas la réalité, c’est une image, une représentation de la réalité. Et c’est ma propre subjectivité qui réagit.

Ainsi, les émotions ressenties à la lecture d’un mail, durant un meeting Zoom, … ont une origine qui est à rechercher essentiellement en soi et non en l’autre (l’émetteur). Autrement dit, si cette émotion me met mal à l’aise, il est probable que ce malaise ne vienne pas de l’émetteur, mais de ma subjectivité.

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Conséquences pratiques

Puisqu’Internet ne permet que de transmettre des informations, et pas la présence, il devient nécessaire de faire la distinction entre ce qui est de l’ordre :

  • d’une information que je peux transmettre
  • d’une information qui m’est transmise
  • d’une réaction de ma subjectivité à une information
  • de quelque chose qui nécessite la présence pour être vécu pleinement [2]
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Confirmation par les neurosciences

Une recherche faite à Yale en imagerie cérébrale montre qu’il y a plus de zones du cerveau en activité dans un échange face à face que dans un échange via Zoom.

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À noter, l’écrit manuscrit laisse passer une forme de présence, dégradée certes, mais réelle (mais pas un fax).

[2certaines démarches (en particulier, demander pardon) ne peuvent être pleinement vécue qu’en présence de l’autre.

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